Les membres de la chorale Byzantion ont eu l’honneur d’être invités à donner deux concerts de musique byzantine dans le cadre des festivals de musique de Mielec et de Cracovie (les 22 et 23 août 2013), dans le sud de la Pologne, avec le soutien de l’Institut Culturel Roumain.
L’occasion de chanter en Pologne représente sans doute un honneur pour tout artiste car, dans le domaine culturel, les Polonais se font remarquer par leur réceptivité spéciale, par leur ouverture vers des valences culturelles diverses et nouvelles et par leur penchant évident pour les profondeurs religieuses, ce qui les aide à percevoir plus clairement (au moins en ce qui concerne le public présent aux concerts psaltiques)les valences spirituelles de la musique sacrée.
Les expériences antérieures des membres de la chorale Byzantion à divers festivals polonais traditionnels, tels ceux de Jarosław, Szczecin, Przemysl, Olsztyn, Płock ou Narol, confirment pleinement la conviction que les mélomanes polonais peuvent constituer le public que tous les artistes aimeraient avoir à leurs concerts.
Le premier concert a eu lieu lors de la XVIe édition du Festival International de Musique dans la petite ville de Mielec (dont l’attestation documentaire remonte au XIIIe siècle). Dès 1998, l’année de début du festival, l’évènement réunit des solistes prestigieux, des chorales, des orchestres de chambre et de grands orchestres du monde entier. C’est pour la deuxième fois que des artistes roumains sont venus chanter à Mielec : la chorale Byzantion (2013) a suivi la prestigieuse chorale Madrigal (2008).
L’intérêt et l’affinité du public polonais pour le genre musical psaltique ont été confirmés, une fois de plus, par le grand nombre de mélomanes présents dans l’église catholique «Notre Dame » du centre-ville de Mielec, un édifice impressionnant par ses dimensions, à l’architecture moderne, où la réalisation d’un moment artistique est, sans doute, un défi pour tout groupe vocal.
Le deuxième concert a eu lieu dans l’imposante église dominicaine du centre-ville de Cracovie (bâtie au XIIIe siècle), à l’occasion de la XXXVIIIe édition du Festival International „Musique dans la vieille Cracovie”, organisé par la Fondation Capella Cracoviensis. Cet événement représente l’une des principales manifestations musicales de haute tenue de la deuxième capitale culturelle de la Pologne. Depuis 1976 jusqu’à présent, le festival s’est imposé comme l’un des plus prestigieux et longé vifs événements musicaux de la Pologne, attirant des solistes, des chorales, des orchestres de chambre et de grands orchestres. En 2013, les participants ont été des musiciens venant de pays très divers, comme la Suisse, l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, la Norvège, la Pologne, la Roumanie, la Russie et les Etats-Unis.
„Le concert de la chorale Byzantion représente la cinquième présence roumaine au célèbre Festival «Musique dans la vieille Cracovie» après les concerts des chorales Preludiu et Madrigal, du groupe psaltique Stavropoleos et du quartet Bălănescu, qui ont été reçus avec beaucoup d’enthousiasme par un public très nombreux”, considère l’Institut Culturel Roumain de Varsovie.
En ce qui concerne le répertoire abordé par la chorale Byzantion aux deux festivals, le but a été de donner une image aussi étendue et éloquente que possible de la musique sacrée de l’empire Byzantin, la prière chantée des saints pères orientaux. Les 80 minutes d’interprétation psaltique ont représenté une invitation à voyager à travers l’histoire de cet art merveilleux, la fascination du monde des modes byzantins, de même qu’une réactualisation, une expérience revécue par les plus beaux chants de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu.
Ainsi, au début on a interprété des pièces dont l’origine remonte soit aux premiers siècles du christianisme (IIIe siècle) soit au répertoire paléo-romaïque (VIIe – XIIIe siècles, en Italie du Sud et la Cathédrale de Reims, France). L’ancienne hymne chrétienne Saint Dieu a été interprétée dans le IIe mode traditionnel, en roumain, en grec et en slavon, ce qui a suggéré et évoqué ainsi la dimension panorthodoxe de l’art psaltique.
Des pièces d’une plus grande complexité telle la Gloire en huit modes pour la Dormition de la Mère de Dieu par Pierre Lampadarie (+1778), la plus grande personnalité de la musique psaltique du XVIIIe siècle, l’hymne des Chérubins Que tout corps se taise pour le Grand et Saint Samedi par Jacques le Protopsalte (+1800), un point de référence au niveau de la composition, kratima en Ier mode par Anton Pann (+1854) et le kinonik on dominical Louez Dieu en Ier mode plagal par St. Jean Coucouzèle (XIVe siècle) ont représenté le défi lancé au public pour apprécier le répertoire liturgique orthodoxe par les hypostases du genre papadique et non seulement.
La dernière partie a été introduite par la mélodie traditionnelle des Lamentations pour la Mère de Dieu, mise au tombeau par ses chantres, dans la lumière mystérieuse des chandelles qui ont emporté le public, pour quelques instants, au-delà de la scène, du concret et de la convention d’un simple „concert”. Le silence de l’obscurité et les lamentations ont créé l’atmosphère du Grand et Saint Samedi, quand toute la création murmure, en se penchant, Que tout corps humain se taise et se tienne avec crainte et tremblement[…] car l’Empereur des empereurs vient se faire sacrifier… La fin du concert a été couronnée par la kratima composée par Anton Pann, un chant aux syllabes dépourvues de sens telles te, ri, re, to, ro, ti,ri qui symbolisent la doxologie au-delà des mots, chantée par les groupes d’anges dans leur ascension infinie autour du trône de la divinité.
Finalement, nous voudrions exprimer encore une fois notre appréciation pour ces manifestations artistiques de très haut niveau, pour un pays où, toute l’année, l’on rencontre à tout bout de champ des festivals qui enrichissent leur blason avec des dizaines d’éditions – des traditions inébranlables -, pour un peuple faisant preuve d’une ouverture culturelle-musicale croissante et d’un intérêt accru pour l’héritage byzantin de l’espace orthodoxe. Ces pensées, ces expériences inédites font naître la question inévitable et… inconfortable: quand la soif de musique sacrée de qualité déterminera-t-elle les personnes intéressées – le clergé, les laïques, les autorités –à conjuguer leurs forces pour organiser, au moins dans les grandes villes de Roumanie, de tels événements d’ampleur qui seraient à même de véhiculer des valeurs fondamentales comme l’authenticité, la tradition et l’identité?
Adrian SÎRBU
Link-uri utile: http://www.mielec.pl/festiwal.php, http://www.mwsk.pl/kalendarz_mwsk_2010.htm
http://www.krakow.pl/english/visit_krakow/6293,artykul,churches.html